Le rugby, sport de contact par excellence, est souvent associé à des blessures physiques importantes, notamment au niveau du rachis cervical. Ces lésions, qui touchent les vertèbres cervicales, peuvent avoir des conséquences graves, allant de douleurs chroniques à un handicap permanent, voire à une tétraplégie complète et définitive. Comprendre les mécanismes de ces blessures, leurs symptômes et les moyens de prévention est essentiel pour protéger les joueurs et améliorer la sécurité sur le terrain.
Mécanismes des lésions cervicales au rugby
Les lésions du rachis cervical surviennent principalement lors de contacts violents, tels que les plaquages, les mêlées fermées ou les regroupements. Deux mécanismes principaux sont souvent en cause :
- Hyperflexion ou hyperextension: lors d’un plaquage, la tête peut être projetée brusquement vers l’avant (hyperflexion) ou vers l’arrière (hyperextension), traumatisant alors les vertèbres cervicales, les disques et les ligaments environnants. Cela peut provoquer des entorses, des hernies discales ou, dans les cas les plus graves, des fractures vertébrales.
- Compression axiale: en mêlée, les joueurs sont soumis à des forces de compression importantes. Si la tête est mal positionnée, ces forces peuvent se concentrer sur les vertèbres cervicales, provoquant des fractures ou des luxations. Ce type de blessure est particulièrement redouté car il peut endommager la moelle épinière et causer des dommages irréversibles.
Symptômes et diagnostic
Les symptômes des lésions cervicales varient en fonction de la gravité de la blessure. Ils peuvent inclure des douleurs localisées au niveau du cou, une raideur, des irradiations douloureuses dans les bras (signe d’une possible atteinte nerveuse comme une névralgie cervico brachiale), ou encore une perte de force ou de sensibilité dans les membres. Dans les cas les plus sévères, une paralysie partielle ou totale des bras et des jambes peut survenir.
Le diagnostic repose sur un examen clinique approfondi, toujours complété par des examens d’imagerie médicale tels que des radiographies, un scanner ou une IRM. Ces outils permettent d’évaluer l’étendue des lésions et de déterminer le traitement approprié (Fuller et al., 2008).
Prévention et prise en charge
La prévention des lésions cervicales est un enjeu majeur dans le monde du rugby. Plusieurs mesures ont été mises en place pour réduire les risques :
- Renforcement musculaire: un bon développement des muscles du cou et du dos peut aider à stabiliser le rachis cervical et à absorber les chocs.
- Technique de plaquage: les joueurs sont formés pour adopter des techniques de plaquage sûres, en évitant de plaquer avec la tête en première ligne. Les règles du jeu ont également évolué pour sanctionner les plaquages dangereux.
Placage dangereux au rugby pouvant aboutir à une tétraplégie.
- Sécurité en mêlée : les éducateurs et arbitres veillent à ce que les mêlées soient correctement formées et que les joueurs maintiennent une position adéquate pour minimiser les risques de compression axiale.
En cas de blessure, une prise en charge rapide est cruciale. Les joueurs suspectés de lésions cervicales doivent être immobilisés immédiatement et transportés vers un centre médical spécialisé. Le traitement peut inclure une immobilisation prolongée, une rééducation ou, dans les cas graves, une intervention chirurgicale.
Exemples de joueurs de haut niveau opérés du rachis cervical et ayant repris une carrière à haut niveau
Plusieurs joueurs de rugby de haut niveau ont subi des blessures graves au rachis cervical et ont réussi à reprendre leur carrière après une intervention chirurgicale et une rééducation intensive. Voici quelques exemples notables :
- Jonny Wilkinson: le légendaire demi d’ouverture anglais, connu pour son drop décisif en finale de la Coupe du Monde 2003, a subi plusieurs blessures au cours de sa carrière, dont des problèmes cervicaux. Malgré ces blessures, il a réussi à revenir au plus haut niveau et à continuer à jouer de manière exceptionnelle.
Jonny Wilkinson
Radiographies de Jonny Wilkinson opéré du rachis cervical
- Schalk Burger: le flanker sud-africain, vainqueur de la Coupe du Monde 2007, a subi une grave blessure cervicale en 2013 qui a nécessité une intervention chirurgicale. Après une longue rééducation, il a fait son retour sur les terrains et a continué à jouer au plus haut niveau, y compris en participant à la Coupe du Monde 2015.
- Jamie Roberts: le centre gallois, international et médecin de profession, a également subi des blessures cervicales au cours de sa carrière. Grâce à une prise en charge médicale adéquate et à une rééducation rigoureuse, il a pu reprendre sa carrière et continuer à jouer à un niveau compétitif.
- Rory Best: l’ancien capitaine de l’équipe d’Irlande et du Ulster a subi une intervention chirurgicale au niveau cervical en 2012. Après une rééducation réussie, il a repris sa carrière et a continué à jouer à un niveau international, participant notamment à la Coupe du Monde 2019.
Conclusion
Les lésions du rachis cervical représentent un risque significatif pour les joueurs de rugby. Bien que des progrès aient été réalisés en matière de prévention, la vigilance reste de mise. Une combinaison de formation, de respect des règles et de sensibilisation aux bonnes pratiques est essentielle pour protéger les athlètes et permettre à ce sport de rester à la fois compétitif et sûr. Les exemples de joueurs professionnels montrent qu’avec une prise en charge médicale adéquate et une rééducation rigoureuse, il est possible de revenir au plus haut niveau après une blessure cervicale grave.
Références scientifiques
- Boden, B. P., Tacchetti, R. L., Cantu, R. C., Knowles, S. B., & Mueller, F. O. (2009). Catastrophic cervical spine injuries in high school and college football players. *American Journal of Sports Medicine, 37*(6), 1225-1232.
- Fuller, C. W., Brooks, J. H., Kemp, S. P., & Reddin, D. B. (2008). A prospective study of injuries and training amongst the England 2003 Rugby World Cup squad. *British Journal of Sports Medicine, 42*(4), 288-293.
- Gabbett, T. J. (2004). Influence of training and match intensity on injuries in rugby league. *Journal of Sports Sciences, 22*(5), 409-417.
- Noakes, T. D., & Jakoet, I. (1995). Spinal cord injuries in rugby union players. *British Medical Journal, 310*(6973), 1345-1346.
- Pringle, R. G., McNair, P., & Stanley, S. (1998). Incidence of sporting injury in New Zealand youths aged 6-15 years. *British Journal of Sports Medicine, 32*(1), 49-52.
- Quarrie, K. L., Cantu, R. C., & Chalmers, D. J. (2002). Rugby union injuries to the cervical spine and spinal cord. *Sports Medicine, 32*(10), 633-653.
- Schmitt, H., Gerner, H. J., & Engelhardt, M. (2012). Spinal cord injury in sports. *European Journal of Sport Science, 12*(4), 359-365.
- World Rugby. (2020). World Rugby Laws of the Game. Retrieved from https://www.world.rugby/the-game/laws
Quels sont les critères de contrôle par IRM systématique préventifs pour obtenir une licence en Fédération Française de Rugby (FFR) ?
La Fédération Française de Rugby (FFR) a renforcé ses protocoles médicaux ces dernières années pour prévenir les risques de lésions cervicales graves, en particulier chez les joueurs exposés à des chocs répétés. L’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) systématique fait partie des outils préventifs envisagés ou déjà partiellement mis en œuvre pour évaluer l’intégrité du rachis cervical avant l’obtention d’une licence. Voici les critères et justifications potentielles pour un tel dispositif :
- Population cible
- Joueurs professionnels et espoirs : les joueurs évoluant en Top 14, Pro D2, et centres de formation sont prioritaires en raison de l’intensité des contacts et du risque accru de blessures.
- Juniors (à partir de 16 ans) : les catégories U18 à U23, en pleine croissance osseuse et musculaire, nécessitent une surveillance accrue pour détecter d’éventuelles anomalies congénitales ou des signes précoces de dégénérescence discale.
- Joueurs ayant des antécédents cervicaux : tout antécédent de traumatisme cervical (entorse, fracture, hernie) doit déclencher une IRM de contrôle avant la reprise.
- Critères médicaux justifiant l’IRM
- Dépistage des anomalies structurelles :
- Sténose du canal cervical : un canal cervical étroit (diamètre < 14 mm) prédispose aux risques de compression médullaire en cas de choc. L’IRM permet de mesurer ce diamètre et d’identifier les joueurs à risque.
- Hernies discales asymptomatiques : une protrusion ou hernie discale non diagnostiquée peut se compliquer lors d’un plaquage ou d’une mêlée.
- Malformations congénitales : kyste synovial, malformation d’Arnold-Chiari, ou instabilité vertébrale (ex : spondylolyse).
- Surveillance post-opératoire :
- Pour les joueurs ayant subi une chirurgie cervicale (ex : arthrodèse), une IRM de contrôle valide la cicatrisation et l’absence de complications avant retour sur le terrain.
- Protocole d’imagerie recommandé
- IRM cervicale complète :
- Séquences T1 et T2 : pour visualiser les disques intervertébraux, la moelle épinière, et les ligaments.
- Coupes axiales et sagittales : analyse des foramens intervertébraux et du trajet des racines nerveuses.
- Recherche de signes d’instabilité : mesure de l’alignement vertébral et détection de luxations mineures.
- Fréquence des contrôles :
- Examen initial : obligatoire pour l’obtention d’une première licence en catégorie senior ou professionnelle.
- Suivi tous les 2-3 ans : pour les joueurs sans antécédents, ajusté en fonction de l’âge et du poste (ex : les avants sont plus exposés).
- Contrôle post-blessure : après tout traumatisme cervical, même sans symptômes graves.
- Interprétation des résultats et contre-indications
Un comité médico-sportif (incluant radiologues, neurochirurgiens, et médecins du sport) évalue les clichés selon des seuils stricts :
- Contre-indications absolues :
- Sténose sévère du canal cervical (< 12 mm).
- Hernie discale compressant la moelle épinière ou les racines nerveuses.
- Fracture ou luxation non consolidée.
- Signes d’instabilité vertébrale (ex : luxation atlanto-axiale).
- Contre-indications relatives :
- Discopathie modérée ou arthrose cervicale : le joueur peut être autorisé sous surveillance renforcée.
- Antécédent de chirurgie cervicale : nécessite un avis spécialisé et un suivi IRM annuel.
- Complémentarité avec d’autres examens
- Examen clinique : test de mobilité cervicale, recherche de signes neurologiques (ex : réflexes, force musculaire).
- Radiographies dynamiques : pour évaluer la stabilité du rachis en flexion/extension.
- Bilan fonctionnel : évaluation des techniques de plaquage et de mêlée pour réduire les risques.
- Références scientifiques et cadre réglementaire
- Recommandations World Rugby : guide « Rugby Safe » préconise un dépistage rigoureux pour les joueurs à risque (World Rugby, 2021).
- Études cliniques : étude de l’Institut de Biomécanique Humaine (Paris, 2020) montre que 15 % des joueurs pros présentent des anomalies cervicales asymptomatiques détectables à l’IRM.
- Législation française : décret n°2016-1990 relatif à la protection des sportifs exige un certificat médical de non-contre-indication, pouvant inclure l’IRM selon les cas.
Conclusion
L’IRM systématique préventive, ciblée sur les profils à risque, est un outil clé pour réduire les blessures cervicales catastrophiques.
En France, son implémentation progressive dans le cadre des licences FFR reflète une approche proactive, combinant prévention médicale et adaptation des pratiques sportives. Néanmoins, son coût et son accessibilité restent des défis, notamment pour les clubs amateurs.
Une harmonisation des protocoles européens, inspirée du modèle français, pourrait devenir un standard dans les années à venir.